Le Front national tente, depuis le début de la décennie, de mettre en avant son programme économique, qui a longtemps été secondaire dans la doctrine du parti.

Les conseillers qui élaborent ce programme restent cependant peu connus, et ce même de la presse. Les présenter est donc doublement intéressant : pour comprendre les pensées qui sont à l’œuvre derrière le projet économique du Front, et pour juger de la réalité, ou non, de la normalisation au sein de ses cadres.

Jean-Richard Sulzer est le conseiller économique du FN le plus souvent évoqué dans les médias. Ancien du centre-droit, diplômé d’HEC, il est parfois présenté comme une des preuves de la « normalisation » du parti. Derrière les lignes du Front, livre de Jean-Baptiste Malet, révèle pourtant que Jean-Richard Sulzer soutient l’idée de mettre « deux mille clandestins au trou » pour « déblayer » (p63), ce qui, même pour le Front national, est une mesure extrêmement violente. Il est aussi à l’initiative de SOS Égalité, une association qui se propose de défendre les victimes… de discrimination positive.

Bruno Lemaire, ancien professeur à HEC et conseiller économique de Marine Le Pen à ne pas confondre avec le candidat à la présidence de l’UMP, est, lui, une figure plus étonnante. Plusieurs de ses propos ont été cités lors d’un précédent article sur l’antisémitisme au FN. Il qualifie aussi le mariage homosexuel (à moins qu’il ne parle de Pierre Bergé) de « Satan », parle d’un « beau commentaire » pour un message qui explique qu’il « existe malheureusement des Français homosexuels », déclare que « si je n’apprécie pas l’homosexualité, je ne suis pas ‘homophobe’, je suis simplement non ‘homophile’ », affirme ne pas comprendre qu’on « [décrive] comme des actes « inqualifiables » la « traque » bruyante mais bon enfant de l’autre égérie, celle des homosexuels – mâles, femelles ou indifférenciés – la Caroline F. » (la traque organisée d’un journaliste est donc acceptable), s’inquiète à l’idée que « nous serions tous incités à devenir homo », discute du « groupuscule minuscule mais combien puissant du LGBT (Pourquoi L, et pas S, au lieu de G, d’ailleurs) » (nous laissons chacun tenter d’interpréter ce message), déteste « le mot hétéro inventé il y a un siècle pour faire croire que l’homosexualité était aussi ‘naturelle’ que la sexualité ‘naturelle’ », pense que choisir, pour un enfant, entre l’orphelinat ou l’adoption par un couple « dénaturé », « une paire de même sexe », c’est choisir « de mourir de la peste ou du choléra », parle de « peine » pour les homosexuels qui « ne peuvent combattre leur pulsion », et regrette que « des couples homosexuels continuent à forcer certains maires à se plier à cette loi ».

Bruno Lemaire désire, par ailleurs, un nouveau « Charles Martel », déclare qu’il est « difficile de dire » que les musulmans qui pensent que l’Islam est une religion de paix « sont des musulmans », et refuse le terme d’islamophobie « comme si d’avoir dénoncé l’occupation allemande avait été condamnée au nom de la « bochophobie » ou de la « germanophobie » ».  Il affirme, au sujet de Boko Haram (qu’il assimile à l’Islam), qu’il n’y a « + personne à gauche pour s’élever contre cet ESCLAVAGE », et que « notre garde des Sots » ne dirait rien parce que « les méchants sont pas WHITE ». Selon lui, les politiques, et « notre athée en chef », tenteraient de nous convaincre que « l’Islam est le « must » ». Il pense que « c’est aussi aux catholiques de se montrer s’ils veulent convaincre que l’Islam remplit surtout 1 vide qu’ils ont laissé ». Il « aime » Philippe Vardon, fondateur du Bloc identitaire, et relaie plusieurs de ses messages, dont l’un se demande, au sujet d’un intervenant de la dernière émission de François Hollande face aux Français, s’il est « demandeur d’emploi ou demandeur d’asile ».

Le conseiller économique cite aussi un reportage d’Égalité et Réconciliation (l’association d’Alain Soral) sur les « merdias », mot qu’il utilise par ailleurs en comparant Hollande à Staline, et emploie l’expression « médias ripoublicains », caractéristique de l’extrême-droite la plus dure, ajoutant que la « Ripoublique française » a fait ce que « Joseph Goebbels et Joseph Staline [ont] rêvé ». Il compare encore Hollande à « Ivan le terrible, Hitler, Pol Pot et Mao ». Il s’inquiète à plusieurs reprises de l’influence des francs-maçons : selon lui, ils s’approprient le pouvoir ; ce serait aussi pour leur plaire que le Christ ne serait pas sur les pièces de monnaie. Il assure que « non, [vous pouvez croire] en ce que vous voulez, ou en rien (sauf en la France, bien sûr). Mais c’est PRIVÉ. Etre complotiste n’est pas interdit. Evitez cependant d’avoir des positions ridiculisables en public, non défendues par votre parti, si vous avez une position publique reconnue ». Il partage pourtant à plusieurs reprises ses vues sur le 11 septembre, et se dit sûr que « la version officielle est fausse » : il envisage plutôt une « guéguère des services secrets [américains] entre eux », mais aussi une participation de l’Arabie Saoudite, du Royaume-Uni et « surtout d’Israël ». Bruno Lemaire n’hésite pas non plus à « aimer », sur Facebook, le groupuscule pétainiste Renouveau Français.

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La rédaction