Après plusieurs mois de silence et de tensions, un rendez-vous pourrait avoir lieu ce lundi 25 août entre RSP Sécurité et le président de la Communauté d’agglomération de Dembeni-Mamoudzou (CADEMA).
« Un appel a eu lieu dimanche pour proposer ce rendez-vous ». Cette rencontre, si elle se confirme, intervient à la suite de nombreuses alertes administratives, politiques et médiatiques. Pour l’entreprise de sécurité privée, « la balle est désormais dans le camp » de la CADEMA mais après de nombreuses promesses, venant y compris de la présidence même de l’institution et de son président, le scepticisme demeure.
En parallèle, en plus du référé-provision déposé en juin auprès du tribunal administratif, « un recours préalable indemnitaire a été déposé ce lundi ». Objectif : faire comprendre le coût réel des impayés à la CADEMA et obtenir réparation. Le montant avoisinerait le million d’euros. Maître Bernardini, avocat au barreau de Paris et associé au cabinet Dorean Avocats, arrivé à Mayotte la semaine dernière, s’apprête à engager d’autres démarches.
Plainte contre « X » pour menaces et intimidations
Parmi celles-ci, une plainte pénale contre X doit être déposée ce jour auprès du Procureur de la République du tribunal judiciaire de Mamoudzou suite à des appels malveillants et des menaces à l’encontre des salariés de RSP Sécurité. Ces intimidations téléphoniques, trop courantes à Mayotte, proviendraient de personnes disposant d’une autorité à la CADEMA ou affirmant être proches de l’institution et de ses dirigeants. « Cette plainte est indispensable afin de protéger non seulement les dirigeants de RSP Sécurité, mais aussi l’ensemble des salariés qui subissent un climat d’intimidation », a déclaré Me Bernardini, avocat de la société. Selon un ancien haut fonctionnaire proche du dossier, « ces agissements doivent cesser. La CADEMA doit comprendre qu’il est toujours temps de revenir à un comportement normal de collectivité territoriale. La plainte déposée vise à dire : attention à toute récidive ».
La sénatrice Salia Ramia alertée
Le samedi 23 août, la sénatrice de Mayotte, Salia Ramia, a été directement alertée à Pamandzi de cette situation jugée « abusive et sans précédent » par Stéphane Labache, dirigeant de RSP Sécurité. Celui-ci a rappelé qu’une telle crise était inédite pour une entreprise titulaire d’un marché public avec la CADEMA. La sénatrice va être saisie officiellement dans les prochaines heures par les équipes juridiques de la société de sécurité.
Depuis plusieurs semaines, le dirigeant de la société, opérateur de la sécurité sur l’île, a multiplié les démarches à Mayotte et à Paris afin d’alerter administrations et autorités sur cette crise qui touche à deux fondamentaux dans l’île : l’ordre public et l’ordre social. « Nous devons réussir à faire en sorte que le paiement de la société RSP soit priorisé. Aujourd’hui, je veux que la CADEMA et son Président, Moudjibou Saidi, assument leurs responsabilités. Ils ont déclaré vouloir de la transparence ? C’est le moment de vérité » déclare le dirigeant, « déterminé à aller jusqu’au bout ». En pleine rentrée scolaire, la société de sécurité assure une mission essentielle à l’ordre public en sécurisant les transports urbains de la CADEMA. « Ces bus sont utilisés notamment mais pas exclusivement par les élèves de l’académie de Mayotte », détaille Me Bernardini. Il y a quelques jours, les représentants des salariés de RSP avaient interpellé la ministre d’État et ministre de l’Éducation nationale, Elisabeth Borne, en marge de sa visite au Rectorat de Mayotte. Depuis, un collectif de salariés s’est constitué et s’apprête à organiser une première manifestation déclarée.
Côté CADEMA, certains fonctionnaires restent dans l’incompréhension face à ce blocage de la direction générale des services et de la présidence. « Aborder le sujet est devenu un tabou. Il doit y avoir des intérêts personnels », estime un fonctionnaire ayant connaissance du dossier. Le même relève « un système interne dysfonctionnel avec des sociétés créées par des fonctionnaires, des contractuels ou leurs proches après Chido ».
« Rien ne permet de comprendre ces blocages. »
Un autre fonctionnaire en poste à la CADEMA qui préfère garder l’anonymat a par ailleurs témoigné auprès de notre rédaction, confirmant que la démarche de RSP Sécurité était fondée : « Rien ne permet de comprendre ces blocages. À ma connaissance, c’est la seule entreprise qui subit un retard aussi massif et ce traitement. Les autorités ont pourtant été alertées en interne dès le début du contrat. Le marché ne souffre d’aucune irrégularité et peut être parfaitement maintenu. Sauf à se mettre dans une irrégularité flagrante, la CADEMA n’est de toute façon plus dans les délais réglementaires de dépôt d’un appel d’offre avant la fin du marché. Et celle-ci serait remise en cause par la société signataire du marché actuel ».
Objectif : conserver les emplois, poursuivre l’activité
Pour rappel, la société fait face à des impayés persistants depuis février, pour un montant estimé à 2 millions d’euros, selon des sources concordantes. Le contrat signé à la rentrée 2024 pour un an, renouvelable trois fois, pourrait se poursuivre « si la volonté politique est là ». « Notre souhait est de conserver tous les emplois et d’assurer la poursuite de l’activité » explique Stéphane Labache, qui assure que RSP est disposée à reprendre une collaboration normale avec la partie publique.
La société forcée à des recrutements par la CADEMA
Cependant, face aux difficultés financières de plus en plus visibles de la CADEMA, ce marché public pourrait être adapté et ce d’autant que « la société a été forcée à des recrutements supplémentaires par l’ancienne directrice de cabinet ». Initialement le contrat était prévu pour 58 salariés et est monté, sur demande expresse de l’ordonnateur du marché public, la CADEMA, à 117 salariés.
Tous ou presque sont aujourd’hui formés et disposent de leurs cartes professionnelles, « à l’exception de ceux qui ont accepté de démissionner à la demande de la partie publique qui leur avait faussement promis un emploi en allant jusqu’à prendre leur RIB en juillet ». Selon certains salariés présents à ces séances de débauchages, le vice-président à la mobilité de la CADEMA aurait été à la manœuvre. « Badrou a convoqué une soixantaine de personnes en juin dans une salle de réunion du deuxième étage de la CADEMA, à côté du bureau de la directrice de cabinet. Il nous a dit que nous venions ici pour signer un contrat de trois mois. Nous avons fait un entretien. Ils ont pris notre CV. Notre RIB. Il nous a dit que s’il arrivait à recruter 60 agents, il allait nous payer 1500 euros par mois mais s’il recrutait tous les agents ce ne serait que 1300 agents. Ils ont dit qu’ils allaient nous recruter mais depuis nous n’avons eu aucune nouvelle ». Le salarié témoignant assure que « Bardrou voulait en priorité les salariés français. Il n’a pas fait semblant : vouloir embaucher ceux qui ne sont que français c’est une démarche claire pour obtenir des votes ». Les salariés disposant d’une simple carte de séjour n’ont pas été convoqués.
Un acte particulièrement grave de la CADEMA.
La CADEMA aurait jusqu’à pousser certains salariés à la démission. « Malheureusement, ceux-ci ne pourront pas obtenir leur diplôme de sécurité d’agent sécurité prévention ». « Je suis furieux d’abord pour les salariés qui ont été manipulés et sont maintenant sans rien », se désole le dirigeant de RSP Sécurité. « Je ne laisserai pas faire. Les gens parlent, y compris au sein de la CADEMA. La loi du silence est brisée », juge le dirigeant de la société, ancien militaire. « Une solution amiable peut toujours être trouvée. Nous avons pris les dispositions pour que l’intérêt des salariés, de l’ordre public et de la cohésion sociale soit priorisé ».
Toujours selon nos informations, une saisine de la Cour régionale des comptes ou, à défaut, du Parquet national financier, serait envisagée dans les prochains jours afin d’alerter les autorités compétentes sur la gravité de cette affaire et le comportement d’élus de la collectivité territoriale.