Quelle est la raison de la surreprésentation des travailleurs immigrants dans les secteurs “essentiels” ?

Le projet de loi immigration du gouvernement suscite de nombreux débats, notamment en ce qui concerne l’emploi des travailleurs étrangers en situation irrégulière. Le Sénat a rejeté une proposition visant à permettre aux travailleurs immigrés sans papiers de rester en France grâce à l’octroi de cartes de séjour d’un an dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre. Cependant, l’Assemblée nationale a réintégré cet article dans le projet de loi, qui a ensuite été durci par la commission mixte paritaire. Selon cette version, le préfet du territoire concerné aurait le pouvoir de décider d’accorder ou non les titres de séjour.

Il y a trois ans, la pandémie de Covid-19 a mis en évidence l’importance des travailleurs immigrés dans les secteurs essentiels tels que la santé, les transports et l’agriculture, qui sont indispensables à la résilience des économies. En France, certains métiers essentiels dépendent fortement de la main-d’œuvre immigrée, comme les agents de propreté et les aides à domicile, ainsi que les médecins hospitaliers, selon une analyse du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

Au sein de l’Union européenne, la France n’est pas un cas isolé. Un an avant le début de la crise sanitaire et économique liée au Covid-19, les travailleurs nés à l’étranger, en particulier les immigrés extracommunautaires, étaient plus nombreux à travailler dans les métiers essentiels que les natifs dans la plupart des pays de l’UE, selon une étude.

Une étude en cours explore les facteurs qui expliquent cette surreprésentation des travailleurs immigrés dans les secteurs essentiels. Les résultats montrent que, même à profil équivalent, les immigrés ont plus de chances de travailler dans ces secteurs que les natifs dans près de deux tiers des pays de l’UE. Cette différence est encore plus marquée pour les emplois peu qualifiés dans les secteurs essentiels, tels que le nettoyage, les transports et la santé.

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Une explication plausible de cette surreprésentation est le désavantage structurel des immigrés sur le marché du travail en raison des obstacles institutionnels, linguistiques, juridiques ou discriminatoires auxquels ils peuvent être confrontés.

L’âge auquel les travailleurs nés à l’étranger ont émigré joue un rôle important dans leur intégration économique. Les immigrés qui émigrent plus jeunes bénéficient généralement d’un avantage comparatif en termes d’apprentissage de la langue et d’adaptation au marché du travail.

L’éducation et l’expérience professionnelle acquises à l’étranger sont souvent moins valorisées que celles obtenues dans le pays d’accueil. Les immigrés formés à l’étranger ont ainsi plus de risques de se retrouver au chômage ou d’occuper un emploi pour lequel ils sont surqualifiés.

La discrimination raciale et ethnique ainsi que le statut légal défavorable sont également des facteurs qui influencent l’emploi des immigrés sur le marché du travail.

Face à ces obstacles, la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière, envisagée dans le projet de loi initial, aurait eu peu de chances d’améliorer la situation. En revanche, l’ouverture du statut de fonctionnaires aux non-Européens pourrait permettre d’améliorer la mobilité professionnelle des travailleurs extracommunautaires et leur insertion sur le marché du travail.

En conclusion, la surreprésentation des travailleurs immigrés dans les secteurs essentiels résulte en grande partie de leur position moins favorable sur le marché du travail. Cette surreprésentation est plus marquée dans les pays où les secteurs essentiels se distinguent par une demande de main-d’œuvre accrue, un nombre significatif d’employés à temps partiel, une recherche active d’emploi, un sentiment élevé de surqualification et un statut professionnel faible. La régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière ne semble pas être une solution efficace, tandis que l’ouverture du statut de fonctionnaires aux non-Européens pourrait présenter des avantages économiques pour toutes les parties concernées.

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