Mayotte : mobilisation des salariés de RSP Sécurité auprès d’Elisabeth Borne, silence de Moudjibou Saidi

Ce lundi, les salariés de RSP Sécurité, prestataire du marché de prévention et de sécurisation des transports publics de la Communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou (Cadema), se sont rassemblés devant le rectorat de Mayotte en marge de la visite ministérielle d’Elisabeth Borne.

Ils sont venus alerter la ministre de l’Education nationale devant le rectorat de Mayotte où une rencontre avait lieu lundi avec les élus locaux. Représentants des salariés et direction de l’entreprise réclament à la Cadema le règlement des sommes dues à la société depuis février et dont le règlement est essentiel à quelques jours de la rentrée scolaire pour la continuité de la mission de sécurisation des transports publics. Faute d’être payée, la société RSP sécurité n’est plus en capacité de payer les salaires.

Depuis des semaines, les dirigeants de l’entreprise et leurs avocats multiplient les démarches pour obtenir une sortie de crise. « Toutes les démarches utiles pour alerter et informer les autorités de cette situation sont en cours, en plus du recours devant le tribunal administratif pour mettre définitivement la Cadema devant ses responsabilités », assurent Me Niels Bernardini et Me Renaud Garrouste, avocats du cabinet parisien Dorean.

« Nous sommes fiers d’être indirectement un opérateur du service public de l’éducation nationale en assurant un transport des élèves qui empruntent le réseau de l’agglomération », explique Stéphane Labache. À quelques jours de la rentrée, l’enjeu est majeur pour assurer aux parents d’élèves un transport public présentant les garanties de sécurité nécessaires. Alors que l’insécurité continue de gangréner Mayotte, la Cadema ne règle plus la société RSP Sécurité depuis le début de l’année. Sept mois sans un seul règlement avec des factures récentes refusées, sans motif, par la partie publique. Du jamais vu qui pourrait coûter cher à la Cadema et au contribuable avec des intérêts moratoires désormais très élevés. La société avait pourtant signé avec la Cadema un marché public depuis la rentrée 2024 — encadré par un droit strict — dont l’objet est de sécuriser les transports publics de l’agglomération utilisés par les usagers, dont de nombreux élèves de l’académie.

Lire aussi :  Tesla enregistre une croissance fulgurante, tandis que les véhicules électriques et les hybrides rechargeables connaissent une progression significative : analyse des ventes de voitures neuves en France en 2023.

La survie de 120 emplois en jeu

Autre enjeu et non des moindres : 120 emplois sont désormais menacés. Et pourtant, les salariés de RSP Sécurité ont démontré ces derniers mois, sans salaires versés faute de paiement, leur conscience professionnelle et leur engagement citoyen en poursuivant malgré tout leur mission et leur engagement de terrain. « Nos salariés sont tous les jours là. Ils ont été là pendant Chido, après Chido, désamorcent au quotidien des situations sensibles. Ils ont été formés et disposent de toutes les certifications et agréments nécessaires reconnus au niveau national. Ils sont non seulement qualifiés, mais en plus de cela, ils font preuve d’une grande conscience professionnelle auprès des usagers », assure Stéphane Labache, dirigeant de RSP Sécurité.

Une bombe politique et sociale

Ces 120 salariés menacés auraient été recrutés à la demande de la Cadema sur la base d’une liste fournie par la Cadema elle-même et son président, Moudjibou Saidi, selon une source proche du dossier. « Nous ne comprenons pas pourquoi la présidence de la Cadema prive de salaire et menace les emplois de 120 personnes qu’elle a elle-même fait embaucher. C’est insensé », explique cette source. « À quelques mois des municipales, c’est une bombe politique et sociale dont le fil remonte directement au cabinet de Moudjibou Saidi ».

Mobilisation de Paris à Mamoudzou

Face au silence de l’avocat de la Cadema et des promesses sans lendemain de la collectivité territoriale, le dirigeant de la société mobilise à Paris et à Mamoudzou toutes les autorités compétentes afin d’alerter sur ce sujet sensible à quelques jours de la rentrée.

Lire aussi :  Découvrez pourquoi le marché du travail en France explose contre toute attente !

La société basée à Mayotte et à La Réunion a sensibilisé la nouvelle rectrice de l’académie de Mayotte, Valérie Debuchy, et le cabinet Préfet de Mayotte, consciente que l’enjeu dépasse le seul cadre financier et touche directement à la sécurité publique et scolaire. Elle a également interpellé directement la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne, en visite à Mayotte le 18 août, pour obtenir une intervention rapide de l’État. La DEETS de La Réunion a été informée et suit la situation. La Direction régionale des finances publiques (DRFiP), en charge du contrôle des mandats, de la régularité des pièces justificatives et du paiement effectif des factures transmises par la collectivité, a également été alertée.

Mais pour les salariés, l’absence de paiement par l’exécutif de Moudjibou Saidi équivaut à un abandon. « Les impayés de la Cadema, c’est de l’insécurité pour nos enfants », martèlent-ils, alors que la rentrée scolaire approche.

Malgré le calme estival, la situation éveille l’attention de la presse à Mayotte comme en métropole. « Le sujet est un condensé de ce qui ne va pas à Mayotte. Il y a les rapports de la Cour régionale des Comptes qui sont très clairs sur la gestion catastrophique des collectivités territoriales de Mayotte, mais si l’on veut toucher du doigt le problème, le quotidien des entreprises mahoraises, cette situation est révélatrice. Ici, en ne payant pas ses factures, c’est la partie publique — et son dirigeant local — qui fabriquent de l’insécurité, du déclassement, de l’appauvrissement, détruit des entreprises et donc de la ressource fiscale et sociale pour l’État », analyse un ancien haut-fonctionnaire de l’administration territoriale.

Lire aussi :  Yaël Braun-Pivet plaide pour une évaluation des "superprofits" afin d'accroître les revenus extraordinaires du gouvernement

Le président pointé du doigt, mais un entourage en cause

Face à cette crise, le président de la Cadema, Moudjibou Saidi, est directement interpellé. « Comment peut-il assumer de mettre en péril la sécurité des élèves empruntant les transports publics à la rentrée scolaire dans l’agglomération ? Comment un élu peut-il à ce point méconnaître le droit des marchés publics ? », s’interroge un ancien élu mahorais.

Pour autant, certains observateurs locaux estiment que la responsabilité politique de cette situation est aussi celle de son entourage. « Le président de la Cadema est mal entouré et mal conseillé. Il y a déjà un sujet de compétence, de connaissance du droit et des obligations publiques, et il est possible qu’il reçoive de mauvaises informations, comme souvent », confie, sous le couvert de l’anonymat, un élu de Mayotte.

Silence persistant

À ce jour, la Cadema n’a pas apporté de réponse publique à l’entreprise. Interrogée à plusieurs reprises, elle n’a pas davantage répondu aux sollicitations des journalistes.

« La manifestation spontanée et calme d’hier était une initiative parmi d’autres qui vont suivre », préviennent les salariés de RSP Sécurité.

Si aucun accord amiable n’est trouvé rapidement, cette crise sociale pourrait se transformer en une nouvelle crise politique pour la Cadema et son président Saidi Moudjibou, mettant en cause la crédibilité de la gouvernance locale à quelques jours de la rentrée.

Ne ratez plus aucune information en ajoutant L’Entente à vos favoris sur Google News. Ainsi, vous contribuez à notre développement et nous aidez à continuer de vous fournir des informations de qualité. Un grand merci pour votre confiance et votre soutien !

CES ARTICLES POURRAIENT VOUS INTÉRESSER