Technologie innovante pour l’extraction minière sous-marine
Au fond d’un lac canadien, trois bras robotisés soulèvent avec délicatesse, mais à un rythme soutenu, un par un, de gros galets qui sont ensuite stockés dans la partie haute du robot. Dans une salle en surface, les employés, qui supervisent ces tests, reçoivent des images en temps réel sur leurs écrans.
Cet exercice qui se déroule dans l’Ontario, dans le centre du Canada, entre dans le cadre d’une série de tests que le robot doit subir avant un possible déploiement dans l’océan, pour y collecter les métaux rares, les plus recherchés au monde. Originalité de cette technologie : ce prototype reste stationnaire dans l’eau et ne touche pas le fond, ce qui permet de ramasser les nodules de manière sélective, explique à l’AFP Jason Gillham, cofondateur d’Impossible Metals.
Les techniques conventionnelles ratissent les grands fonds marins
Dans le monde en devenir de l’extraction minière sous-marine en haute mer, les entreprises les plus avancées, comme The Metals Company qui a demandé à l’administration Trump une autorisation d’exploitation industrielle dans les eaux internationales en ignorant un traité que n’ont pas signé les États-Unis, utilisent d’autres techniques. Et celles-ci sont très controversées car il s’agit de machines géantes qui roulent sur le fond, le quadrillent et aspirent les nodules, sans trier ce qui vit ou non.
L’idée d’Impossible Metals est de faire un tri pour ne prélever que ce qui est nécessaire. Dans les profondeurs, son véhicule allume ses lampes et, grâce à des caméras et à l’intelligence artificielle, s’affaire à distinguer les nodules de la vie aquatique, par exemple les œufs de pieuvre, le corail ou une éponge.
“Cette approche moins brutale réduit certains risques environnementaux”
Douglas McCauley, spécialiste en biologie marine à l’université de Californie à Santa Barbara, reconnaît auprès de l’AFP que cette approche moins brutale réduit certains risques environnementaux. Les techniques conventionnelles ramassent tout le plancher océanique à l’aide de collecteurs ou d’excavateurs, « un peu comme des bulldozers », explique-t-il. Tout est ensuite remonté jusqu’aux navires, où les nodules sont ensuite séparés du reste, qui est rejeté dans l’océan. Ce qui crée de grands « panaches » de sédiments et de toxines avec une multitude d’impacts possibles, dit-il.
Mais les nodules abritent eux-mêmes des organismes vivants et les prélever, même avec une technique sélective, détruit cet habitat, souligne l’expert. Or, les écosystèmes des grands fonds marins sont particulièrement fragiles avec « une vie qui se déplace, se reproduit et grandit très lentement ». Impossible Metals admet que sa technologie ne permet pas de détecter la vie microscopique, mais l’entreprise affirme avoir comme politique de ne pas toucher à 60 % des nodules.
« Nous n’en savons pas encore assez sur la biodiversité et l’écosystème de cette région », estime également Duncan Currie, de la coalition d’ONG Deep Sea Conservation Coalition. Selon l’initiative scientifique internationale Ocean Census, seules 250 000 espèces sont connues, sur les deux millions qui peupleraient les océans.
« Il y aura toujours un impact » avec l’exploitation minière, répond Oliver Gunasekara, directeur général et cofondateur d’Impossible Metals. Mais « nous avons besoin de beaucoup plus de minerais critiques pour tout électrifier », dit-il. Illustrant la ruée mondiale vers ce secteur, Impossible Metals a levé 15 millions de dollars (13 millions d’euros) auprès d’investisseurs pour construire et tester une première série de son robot Eureka 3 en 2026.
Cette version industrielle sera de la taille d’un conteneur maritime et passera de 3 à 16 bras. Le robot vise à être entièrement autonome en se propulsant par lui-même, sans câble ni attache à la surface, et en étant équipé de capteurs.
En attendant un feu vert américain, l’entreprise espère d’ici deux à trois ans finaliser sa technologie, faire des tests dans l’océan, construire une flotte et opérer grâce à des partenariats ailleurs dans le monde.